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L’intelligence

La mémoire, soit !

Nous ne sommes pas les seuls êtres à posséder de la mémoire.

L’abeille qui butine sait retrouver son chemin pour retourner à la ruche, et elle n’a aucune prétention à l’intelligence.

Nous sommes donc prêts à accepter que notre mémoire puisse obéir à des automatismes, mais cela ne ferait pas de nous des automates, puisque ce qui nous caractérise particulièrement, c’est l’intelligence !

« J’ai compris ! »

Cette parole, nous la pensons ou nous la prononçons régulièrement, et… elle nous fait plaisir ! De là à penser qu'il y a anguille sous roche, il n'y a qu'un pas, que nous allons franchir allègrement !

Nous avons appris, très jeunes, à nous réjouir chaque fois que nous comprenions, parce que cela réjouissait notre interlocuteur. De là à nous mentir à nous-mêmes, il n'y a encore qu'un pas et il est vite franchi !

D'autant plus que cela nous fait plaisir d'y croire : croire à la compréhension, c'est bien plus facile et agréable que de faire l'effort de vérifier que l'on a bien compris. Dès lors, nous allons mélanger allégrement (encore) des croyances approximatives, bancales, voire franchement illusoires, avec quelques faits vérifiés au prix d'un raisonnement coûteux, difficile et que nous ne sommes pas tous prêts à affronter régulièrement…


Des briques de compréhension

Notre compréhension du monde ou d'un phénomène en particulier est formée de briques plus ou moins bien agglutinées, qui, mises bout à bout, sont censées nous donner une appréhension globale d'une réalité.

Dans la pratique, parmi ces briques, se cachent un certain nombre de croyances, de préjugés, qui n'ont d'autre valeur intellectuelle que celle qu'on leur prête et qui peuvent venir polluer le raisonnement à des degrés divers.

Comme un algorithme formé de lignes de commande, la compréhension est une chaîne dont on ne peut être sûr qu'en énumérant tous les maillons.

Dans un plan donné, A est parallèle à B.
C est perpendiculaire à A.
Donc B est perpendiculaire à C.
Cela prend trois lignes à écrire, auxquelles on peut ajouter les notions de parallèlisme et de perpendicularité.

Mais tous les raisonnements ne sont pas aussi rapides/faciles/simples à énoncer. Nous nous facilitons la vie en remplaçant la compréhension par le souvenir, la certitude ou la croyance en notre compréhension.

À quoi bon s'encombrer de la vérification du sens d'un concept, dès l'instant où nous avons la tranquille certitude que nous le comprenons ? Dans la plupart des cas, cela suffit amplement.

Sachant que le manque de maîtrise est toujours douloureux, l'Inconscient a très souvent intérêt à faire croire qu'il maîtrise, même s'il en est loin. Se débarrasser d'un problème est une manière souvent efficace d'échapper à la difficile épreuve qui consiste à prouver que notre maîtrise est effective.

Le jargon vient souvent à notre secours pour dresser un écran de fumée autour de nos incertitudes…

En réalité, la seule manière de prouver que nous comprenons réellement quelque chose est de l'expliquer à quelqu'un d'autre. On s'aperçoit rapidement, si notre démonstration tourne court, que notre illusion de compréhension était la seule réalité…

Quand nous comprenons quelque chose, le souvenir de ce raisonnement s'enregistre dans notre inconscient et nous n'avons plus besoin de nous refaire la démonstration pour tirer le bénéfice de cette connaissance.

En pratique, si nous devions vérifier la totalité de notre science, nous nous apercevrions sans doute que nous sommes incapables dans 80 % des cas de refaire complètement la démarche que nous pensions acquise…

Comme, dans la plupart des situations, nous n'avons pas besoin de redémontrer ce que nous sommes censés savoir, dans la pratique, nous n'avons pas besoin de comprendre réellement ce que nous sommes censés avoir compris. Dans la plupart des cas, encore, la croyance en notre science suffit à notre efficacité.

Si l'on imaginait un monde où nous serions perpétuellement en train de revérifier la réalité de notre compréhension, outre le temps que cela prendrait, un grand nombre de concepts ineptes qui font fortune n'auraient pas une durée de vie aussi grande qu'aujourd'hui. Mais c'est tellement plus confortable de faire confiance… confiance en soi, confiance dans la validité de concepts habituels, sur lesquels on s'appuie comme autant de vérités, et qu'il est superflu de vérifier…


Comprendre

Comprendre quelque chose, c'est retrouver des briquettes de connaissance agencées de telle manière qu'elles nous sont familières.
L'on comprend d'autant mieux un concept que nous avions tout en mémoire pour pouvoir exprimer la même idée.
Si l'on nous présente une idée nouvelle, plus la question nous est familière, plus nous aurons de facilité à ajouter de nouvelles pièces à notre puzzle interne, à l'enrichir.

Le secret de la compréhension universelle est donc dans la progressivité des éléments à acquérir.
La compréhension d'un phénomène est un escalier dont il vaut toujours mieux ne pas sauter de marche si l'on veut arriver en haut entier…


Du génie…

On s'émerveille sur les grands esprits, qui ont marqué leur temps, en innovant dans leur domaine. Qu'ont-ils de plus que les autres ? Qu'ont-ils fait de particulier ?

Ce qui les caractérise sans doute, c'est leur faculté de mélanger les briquettes ordinaires d'un raisonnement avec d'autres briquettes que le commun des mortels n'aurait pas eu l'idée d'associer aux premières.
C'est ce mélange inattendu, irrespectueux de l'ordre établi, qui ouvre grandes les portes à des domaines inconnus, à des perspectives insoupçonnées.

Il est bien évident que les raisonnements routiniers, respectueux des traditions, ne sauraient subitement déboucher sur des continents inexplorés…

Enfin, il ne suffit pas de mélanger les éléments en mémoire pour déboucher sur des innovations utiles, créatrices, sinon nous en serions tous capables.
L'extravagance, la folie, utilisent les mêmes ingrédients que le génie, pour des résultats sensiblement différents…

Alors, le génie, fruit du hasard ? Conséquences de circonstances qui nous échappent, oui.


Les recettes de l'intelligence

Dans tous les domaines d'activité, on retrouve les mêmes mécanismes : en dessin, plus on est performant, plus on est capable de maîtriser des techniques sophistiquées qui paraissent d'une difficulté monstrueuse à de simples mortels… En musique également, comme en sport…

Les performances humaines sont des briquettes que l'on empile méthodiquement, cumulativement, et qui nous permettent de réaliser des exploits par rapport à l'environnement, d'autant plus efficacement que nous connaissons mieux celui-ci.

En multipliant les briquettes d'un domaine considéré, on augmente proportionnellement ses capacités à résoudre les problèmes, c'est-à-dire à boucher les trous d'une construction partielle, grâce à de nouvelles briques d’intelligence…

Certes, à connaissances égales, il y a des différences fonctionnelles entre les individus. Mais d'abord, il est impossible de trouver deux individus à connaissances égales, même chez les vrais jumeaux, et d'autre part, les différences d'intelligence, de mémoire, de vivacité d'esprit sont les mêmes que l'on pourra trouver dans les différences musculaires, squelettiques et corporelles en général. La viande de la tête est aussi particulière que celle des bras, et il n'y a pas lieu de s'en étonner.

Plutôt que de s'émerveiller sur les hypothétiques merveilles de l'inné (et de les valoriser…), l'humanité gagnerait à uniformiser, à aligner sur le haut, les acquis de tous ses membres. Autrement dit, offrir à tous les enfants du monde des chances égales d'épanouissement intellectuel et vital, sans tenir compte des origines.

 

La conversation

Dans une conversation à plusieurs, au café du commerce, par exemple, comment écoutons-nous les paroles des autres ?

Pour mémoriser ce que l'autre dit, et pour prétendre le comprendre, il nous faut extraire de notre mémoire des éléments pouvant se rapporter (ayant un rapport avec…) à ce qui est dit.

Autrement dit, la parole des autres n'a pas de sens en elle-même.
Nous apportons personnellement une traduction, une interprétation de ce que nous entendons, à partir de notre base de données personnelle.

Nous réagissons ensuite aux échos qui se sont éveillés en nous :

C'est comme moi ! Bla bla bla… (et la suite n'a parfois qu'un rapport très lointain, seulement connu de la personne qui parle, et encore, pas toujours…) Mais… je ne sais pas pourquoi je vous dis ça…

Ah ben non ! Moi, je vous dis le contraire… bla bla bla (et de raconter une histoire qui diffère sensiblement de celle qu'on a entendu…)

Tiens, tiens… Et s'il m'était arrivé la même chose, qu'aurais-je fait ? (c'est l'identification à la personne qui parle, l'appropriation de l'histoire, qui peut se confondre dans les profondeurs de l'Inconscient avec ce qui est réellement arrivé à la personne qui écoute…).

Comprenons-nous réellement le sens de ce que l'interlocuteur nous dit ?

C'est d'autant plus difficile à dire que la personne qui parle, elle-même, ne comprend pas forcément ce qu'elle dit (!).

En effet, le discours n'est pas un processus identique à celui de la compréhension. L'Inconscient émet des paroles sur un certain sujet, de manière d'autant plus efficace qu'elle est automatique. S'il doit entrelarder ses phrases d'allers-retours à la conscience pour valider la pertinence de ses arguments (c'est-à-dire leur bonne imbrication des uns par rapport aux autres…), son débit va s'en ressentir cruellement.

En pratique, plus notre interlocuteur se rapproche d'un discours que nous aurions pu tenir, plus notre compréhension est bonne. Dès qu'interviennent des notions qui nous échappent, même partiellement, nous devons perdre du temps à imaginer des bouche-trous plus ou moins efficaces, qui déforment fatalement le processus de compréhension.

Ce n'est pas pour rien que l'être humain est heureux d'entendre des discours familiers, qui ne lui apporte rien mais le conforte dans ces certitudes, ces croyances ou les connaissances qu'il considère comme des vérités…

Nous cherchons alors dans le discours de l'autre une communauté de pensée, d'interprétation du monde, en bref, l'assurance que nous avons raison.


La confusion entre la réalité vécue et une histoire

Comment pouvons-nous confondre ce que nous avons vécu avec ce que l'on peut lire, entendre ?

N'y a-t-il pas une différence fondamentale de nature entre le vécu et la perception d'une narration ?

En réalité, tout dépend de nos qualités de lecteur ou d'auditeur :
si, lorsque nous écoutons une histoire, nous sommes capables de l'imaginer (c'est-à-dire de produire des images mentales qui vont accompagner, illustrer sa mémorisation, en les tirant de notre propre expérience), rien ne distingue plus, en mémoire, l'histoire de ce que nous avons vécu… si ce n'est le souvenir de l'avoir acquise différemment. Si ce dernier est perdu, l'histoire se noie dans nos donnnées personnelles et nous n'en démordrons plus…


(À suivre)

 

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