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La Révaluation
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Une histoire de cuisines
Prenez une grande métropole moderne. Des millions de gens habitent côte à côte dans des appartements empilés, et dans chaque foyer, on trouve une cuisine, avec des casseroles, des assiettes, un four, un réfrigérateur, des aliments, etc. Dans chaque foyer, il faut cuisiner, donc tout le monde doit peu ou prou savoir cuisiner un petit peu, ne serait-ce que réchauffer des surgelés… Combien y a-t-il d'assiettes par personne ? Six, dix, douze, vingt ?
Imaginez maintenant une grande métropole moderne où les appartements n'auraient pas de cuisine… Le matin, vous vous levez, et vous allez déjeûner au café-restaurant, en bas de chez vous, et le soir, vous allez y dîner, là ou ailleurs. Plus besoin d'avoir une pièce consacrée à la cuisine, plus besoin de salle à manger, plus besoin de savoir cuisiner, plus besoin d'investir dans des appareils électro-ménagers, et, pour finir, vous mangez mieux* !
Multipliez l'économie par le nombre d'appartements dans une grande métropole… et consacrez l'argent pour construire des restaurants dans le Quart Monde !
Oh ! Mais… Au fait ! Ce café-restaurant, en bas de chez vous, il existe déjà, mais il tournait à 20 ou 30 % de ses capacités. Là, il serait utilisé à plein. C'est aussi cela, un monde sans gaspillage…
*Vous mangez mieux ? Dans un monde après la Révaluation, les restaurants ne sont plus là pour vous soutirer de l'argent en échange d'une piètre qualité, mais pour vous apporter un service qualitatif maximum, diététiquement équilibré, biologique, réalisé par des professionnels de la cuisine, qui n'auront pas pour objectif de gagner de l'argent sur votre dos mais seulement de vous bien nourrir.
À Paris, plutôt que d'avoir chacun un vélo dans sa cave, il y a des Vélibs en libre-service. Pour le prix d'un changement de chambre à air, vous pouvez, pendant un an, emprunter un vélib aussi souvent que vous le désirez. Vous ne risquez plus de vous faire voler votre vélo, ni de le retrouver crevé (par un farceur qui aura trouvé là un bon moyen de se sentir mieux à peu de frais). Et si on appliquait le principe des vélibs à toute l'économie… ? |
La Pauvritude
La Pauvritude est un état endémique de pauvreté, dans laquelle vivent des êtres humains, de manière héréditaire, familiale, sociale et naturellement géographique.
Pourquoi parler de pauvritude, alors que le mot pauvreté existe déjà ?
Parce que la pauvreté est un état dans lequel tout individu peut tomber un jour ou l'autre, même les meilleurs (Mozart serait ainsi mort dans la pauvreté…), de par la dureté du monde (ce qui justifie, on l'a vu le jeu de l'accumulation, pour mettre à l'abri de la pauvreté les siens, malgré des revers de fortune ou des accidents toujours possibles).
Tandis que la pauvritude est une pauvreté qui colle aux gènes, héréditaire, géographique, entretenue au-delà des individus sur des classes et des générations, par un système qui s'en repaît comme les vaches mangent l'herbe.
La Pauvritude est un état entretenu par l'Économie; elle est considérée comme un mal nécessaire, irréductible, sur lequel on soupire de temps en temps avant de repenser à autre chose…
En réalité, chacun a une bonne idée pour en finir avec la pauvritude : il suffit de prendre aux autres classes sociales pour donner aux plus pauvres et qu'ainsi, il n'y ait plus de très pauvres. Aux différents niveaux de la société, on ne conçoit pas de la même façon cette redistribution, qui n'a, évidemment qu'un très lointain rapport avec notre Révaluation :
Pour les masses ordinaires des pays riches, qui vivent dans un confort approximatif, mais supérieur, la solution consiste à prendre le superflu des superriches pour le distribuer aux pauvres. Cet aimable tour de passe-passe aura pour conséquence de ne toucher en rien au mode de vie des gens ordinaires, puisque l'effort ne reposerait pas sur eux…
Autant suggérer de prendre les poils inutiles de la crinière des lions pour en faire des couvertures pour les petites anitilopes qui ont froid…
Pour les riches, les catégories sociales inférieures sont d'autant plus inférieures qu'elles s'éloignent de ce qui fait la supériorité intellectuelle et sociale des riches. À chacun selon son mérite, et les vaches seront bien gardées…
On peut aussi envisager de rogner sur les avantages des catégories moyennes pour donner aux plus pauvres. Que les inférieurs partagent entre eux si cela les gêne tellement qu'il y ait des très pauvres !
Pauvritude et autres itudes
Pour les élites des pays développés (et même des pays pauvres, parce que toutes les élites tendent à partager les mêmes points de vue — du haut vers le bas…) et c'est une opinion que partagent volontiers les classes moyennes, complices et envieuses des classes supérieures, la pauvritude s'inscrit logiquement dans une méritocratie idéale, où chacun occupe la place qu'il mérite.
Autrement dit, les victimes de la pauvritude sont des êtres, certes frappés par "la faute à pas de chance", mais dont les comportements acquis ou hérités justifient a posteriori l'infériorité sociale. La pauvritude frappent donc des populations inférieures, qui ne sont pas "comme nous" et qui, donc, ne sauraient souffrir de la même façon que nous.
Naturellement, pauvritude rejoint négritude dans de nombreux cas. Un racisme feutré est une aide précieuse pour aider à supporter l'idée de la pauvritude chez les autres…
Dès l'instant où l'infériorité supposée de l'autre, héritée ou personnelle, est envisagée, il n'y a guère de limites à l'inhumanité des traitements auxquels on peut l'exposer, sans souffrir d'une identification mal partagée…
Évidemment, les enfants des personnes inférieures frappées de pauvritude ne sont pas considérés comme des enfants humains normaux, comme ses propres enfants ou ceux de ses proches, plutôt comme de petits animaux…
La Pauvritude, c'est l'acceptation d'une pauvreté constante, héritée et d'une qualité de vie très inférieure chez certaines catégories de population, et… la pauvritude, ça rapporte !
Comment, à l'heure de la mondialisation, rêver d'une main-d'œuvre meilleur marché, pour faire les plus sales besognes ? De la démolition des carcasses de pétroliers à l'extraction dangereuse de matières premières, en passant par toutes sortes de corvées d'un autre âge qu'on aurait difficilement pu imposer à des esclaves, mais qui deviennent idéales pour entretenir la pauvritude et rapporter des milliards, pour se prendre ensuite pour des demi-dieux… |
Les frontières
Les frontières, ça sert à protéger les habitants d'un pays des habitants des autres pays…
En réalité, ça sert à isoler les habitants des pays pauvres dans des prisons géantes, où on peut les faire travailler pour une poignée d'euros par mois, comme au Bengladesh (17 euros par mois pour les ouvrières du textile…), sous la direction d'un gouvernement joyeusement corrompu, qui, lui, jouit d'un confort très occidental.
Les frontières, ça sert à protéger les habitants des pays riches, pour qu'ils puissent continuer à profiter grassement des richesses que leurs pères ont volé au reste du monde… non ? |
Mais qui lira ces lignes ? Il faudrait vraiment le vouloir… |