Verser des gros morceaux qu'on a mal mastiqués,
Ouvrir son estomac pour bien régurgiter,
Mais l'on sait qu'après coup, les mets sophistiqués
Iront encore gonfler notre ventre agité
Repu trois fois par jour, jusqu'en fin de séjour…
Vous mangez bien trop riche, me dit mon bon docteur.
Oui, je lui répondis, et c'est pour mon malheur,
Mais je n'ai pas le choix, c'est pour mes réacteurs,
Ils ont besoin d'essence de la plus grande valeur,
Rien que pour fonctionner, et pour mieux ponctionner…
Vers la cuvette en grès, je cours me soulager,
Obligé de verser le trop-plein absorbé,
Mais ce n'est que mangeaille du gentil fromager,
Il me suffit d'attendre l'estomac pertubé :
Reviens à la raison, j'ai du foie gras maison !
Voilà qu'on a enfin trouvé un équilibre !
Oui, au sud, on maigrit, mangeant péniblement,
Mais au nord, on a trop, gavés paisiblement,
Il se révolte alors, l'estomac gros calibre,
Rejettant le surplus, comme s'il n'en pouvait plus…
Vos mimiques en disent long sur vos beaux sentiments.
On vous sait généreux et l'amour, ce ciment,
Mérite une place à part dans votre panthéon.
Il en faut de la foi pour croire vos boniments :
Remercions, les yeux clos, les dieux caméléons !
Vertigineux abîme qui nous attend plus bas,
Orgueilleux monticule de possessions sordides,
Méticuleux destin aux diplômes très splendides,
Incarnation du Bien, et le mal, c'est Cuba,
Rien n'est trop beau pour nous, et, le peuple, "À genoux !"
Viens mon cœur, partageons, tout ce que j'ai volé !
Oublie l'odeur de mort, de peur décomposée !
Mets tes mains distinguées aux doigts auréolés,
Impeccablement roses, aux bijoux bien dosés,
Rien que sur les billets que mes doigts grassouillets
Arrachaient tout à l'heure à des gens sans valeur…
Vermifuge impossible pour notre humanité,
Où la purge attendra que nos infirmités
Minent profondément la course aux vanités !
Improbable espérance, si pleine d'inanité,
Regardons bien ce monde : l'humain est imité…
Vraiment, on peut aussi dire l'humain limité.
On ne sait pas encore combien la fatuité
Mérite une place centrale, mais pourquoi l'ébruiter ?
Il est bien comme il est, dans son exiguïté,
Riant système repu de sa perpétuité !
Vers des yeux déjà morts, je vais cracher mes vers,
Ouvrant des trous béants, dans des palais déserts,
Maudissant des dieux morts aux poussiéreux calvaires,
Illuminant le jour de mes feux bien couverts,
Raidi dans mon cercueil, en attendant l'hiver.
Vois-tu, cela m'amuse, de discourir tout seul…
On ne m'interrompt pas, caché sous mon linceul !
Même si personne ne lit, peu m'importe à la fin.
Il me plaît de tracer ces mots qui gesticulent,
Riant des majuscules, pondues par le rat fin…
Vocation contrariée de salisseur de pages,
On ne sait jamais trop pour quoi on était fait…
Maintenant, je sais bien où mènent mes dérapages.
Ils vont droit dans le mur et restent sans effet,
Ridicules trublions, qui rêvaient d'être lions !
Vain combat solitaire de défenseur des mots
Oublié dans un monde où l'on croule sous les maux,
Mais la télé a tué la lecture à jamais.
Ils sont ainsi morts-nés les vers que je bramais,
Rejetons dérisoires de mes dons illusoires…
Va dire que tu as lu un poème en entier !
On va bien se moquer de toi sur ton chantier…
Mais c'est pareil ailleurs et dans tout l'univers.
Ils sont aussi pourris, les tableaux que les vers !
Rien n'est plus comme avant dans notre monde bavant…
Viens me dire que je perds mon temps sur ce sentier,
Oubliant qu'il fallait, pour que vous les sentiez,
Mettre des additifs, des parfums, à mes vers !
Il me plaît d'être une goutte, dans l'océan si vert,
Refusant que ma plume ne me change en écume…
Vers le voyage ultime, nous marchons d'un bon pas,
Ouvrant large nos bras, pour profiter de l'air,
Mais dans tous les endroits où nos pieds ne vont pas,
Il y a des humains étranges et similaires,
Restés sur le carreau de nos jeux de tarot…
Voir la fin arriver, avec soulagement…
On sait qu'on ne peut pas durer éternellement.
Mais pourquoi c'est ici et pourquoi maintenant ?
Ils se lassent, les neurones, des jeux les plus prenants,
Regardant vers ailleurs, vers des futurs meilleurs.
Vingt dieux ! C'est qu'il s'accroche à son sacré clavier…
On croirait que jamais il ne va en finir,
Mais, non, finalement, il pense que vous saviez
Interrompre le cours de vers sans avenir,
Retrouvant en arrière, l'abri de vos barrières.
Vingt tasses de thé plus tard, l'estomac barbouillé,
On continue de voir les pixels gargouiller,
Mais le cœur n'est plus là pour tout écrabouiller.
Ils sont las, les neurones, de devoir crachouiller
Rapidement des mots, qu'il faudra bredouiller…
Vraiment, votre patience vaut bien ces quelques vers…
On va s'arrêter là, c'est juré, sur mon verre !
Mais vous n'y croyez pas, et vous avez raison,
Il n'est pas né l'alcool dont les démangeaisons,
Règneraient sur mon âme, qui serait sa maison…
Alors, c'est "au revoir", qui termine ce devoir…