Tous les jours, se lever alors qu'il est six heures,
Rapidement manger, sauter dans l'ascenseur,
Attraper le métro, le train ou un vélo,
Ventre à terre se hâter vers l'entrée du boulot.
Avec le directeur, sourire d'un air complice,
Idem pour le patron, et surtout bien pointer !
Les journées sont bien longues et les heures qui se glissent
Lentement comme limaces, qu'il faut bien affronter…
Enfin, la délivrance finit par arriver,
Retournant au clapier, l'esprit bien lessivé.
Tu dévores nos journées pour que les gros s'engraissent,
Rayonnant du bonheur de faire payer la Grèce…
Avec notre labeur, un patron va gagner
Vingt fois ou cent, ou mille, notre maigre panier…
Alors, on le sait bien qu'on se fait arnaquer.
Il est clair le marché qu'on nous a fait passer :
Le temps que tu y passes, tu permets d'amasser…
Les efforts que tu fais, si l'on veut te saquer,
Eh bien, on les niera et l'humain chosifié
Retourne à sa caverne toujours plus mortifié…
Tais-toi et obéis, c'est la loi du marché !
Rampe toujours plus bas et prends garde où marcher !
Avale les couleuvres à longueur de journée,
Voûté face aux reproches qu'il faudra enfourner !
Admets bien tous tes torts, le patron a raison !
Il faut un chef bien fort pour que vive la maison.
Le droit de t'en aller, tu l'as plus que tout autre,
Laissant la place à ceux qu'on peut payer moins cher,
Et le monde est meilleur quand on change les apôtres,
Renouvelé, plus jeune, et plus tendre est la chair…
Ta participation à l'œuvre collective,
Rien de plus ordinaire, alors, pas d'invectives !
A chacun de fournir les efforts qu'il peut faire,
Vaillamment apportant sa pierre à l'édifice,
A travers les couloirs du commercial enfer,
Inhumain organisme, qui voue au précipice
Les vies des êtres humains dont on n'a pas besoin,
Les gueux surnuméraires, que nul n'a éduqué,
Et qui ne servent à rien, quand les forces d'appoint,
Restent coincées à quai, dans un jeu bien truqué…
Tu transpires en danger pour un euro par jour,
Regardant avec morgue tous ceux qui gagnent moins,
Alors qu'on te méprise, le ciel m'en soit témoin,
Vers Paris, Amsterdam, New York ou Singapour…
Avec peine, tu survis et tu n'imagines pas,
Inconscient, les chanceux qui profitent de ta sueur,
Les "nés au bon endroit", les gourmands, les pollueurs,
Libres de dépenser à travers la planète
En un jour ce que d'autres, éloignés des manettes,
Reçoivent en une année, à force d'ahaner…
Transformons nos actions en monnaies trébuchantes,
Recevons un bon prix de nos vies qui déchantent,
Arrachons au système qui vend ce qui lui chante
Vingt ans de vrai repos quand la vieillesse méchante
Attaque nos corps secs et la mort alléchante
Ira bien nous attendre, car la vie attachante
Lamine nos organes de ses lames tranchantes…
La fin viendra enfin, et la bière aguichante
Epongera nos jus, se faisant desséchante.
Regardons-nous mourir… la belle histoire touchante !
Tu mets ta main devant ta bouche entrebâillée,
Réprimant à grand peine une envie de bâiller…
A force de fatigue, dans mon vain plaidoyer,
Voici que je m'égare, à encore larmoyer !
Alors qu'il y a tant de raisons d'aboyer,
Il me vient le désir que mes vers déployés
Labourent les terres arides où mes mots rudoyés
Limiteront les maux, qui nous ont trop noyés.
Ensevelis vivants, les pauvres employés,
Retournent en enfer, jusqu'à se faire broyer…
Tu survis à grand'peine à longueur de journée,
Rompu sous les cailloux qui remplissent tes tournées.
À la fin de ta vie, quand ton corps épuisé
Versera sur le flanc avec les os brisés,
Avec désinvolture, on jettera tes restes,
Inondés de super, sur un bûcher funeste.
Les flammes consumeront tes cellules trop humaines,
Lèchant tes os rompus, vidant ton abdomen,
Et ton âme, dans tout ça, mon pauvre spécimen,
Rien ne prouve qu'elle existe, ou que les dieux l'emmènent…
Tu obéis au chef, mais il n'y connaît rien,
Répétant ses vains ordres de roi des galériens…
Aboyant ses désirs, comme s'il en pleuvait,
Vomissant ses humeurs, comme un immonde orvet,
Avec aplomb, il croit qu'il est intelligent.
Illuminant nos vies de ses vils préjugés,
Lamentable histrion, le tyran affligeant
Lorgne vers les honneurs, sans peur d'être jugé,
Echantillon humain de piètre qualité,
Redondant souvenir de l'animalité…
Tous les jours, les mêmes mots, les gestes répétés,
Rien ne vient distinguer les journées qui s'étirent,
A part l'éphéméride, et ses feuilles qu'on retire.
Vrombissant vers l'enfer, avec l'air hébété,
Avec célérité, chaque jour recommencé
Impose à mes neurones de sournoises pensées,
Laissant un goût amer à mes lèvres pincées,
Limaces superposées, derrière… mes dents… grincez !
Elle finira un jour ma pauvre éternité,
Regrettant un passé maigre en fraternité.
Tout le chômage du monde n'est pas payé pareil.
Regardez le malheur de ceux qui voudraient bien,
Alors qu'il en est d'autres qui se bouchent les oreilles…
Vous leur parlez boulot, et ils n'entendent rien.
Avec désinvolture, ils vivent de l'air du temps,
Inspirant tranquillement, loin des rôles rebutants.
Les pays riches pouvaient offrir une protection,
La pauvreté grimpant, on crie à l'infection
Et bientôt plus personne ne sera à l'abri,
Réduits à supplier au milieu des débris.
Tout serait supportable, s'il y avait l'équité.
Regardez les notables, leur sotte vanité !
Au lieu de répéter qu'il faudrait tout quitter,
Vers un futur plus sain, vainquant l'avidité,
Allons en limitant les rémunérations,
Interdisant l'accès aux paradis fiscaux.
Les profits plafonnés à de justes rations,
Les bénéfices en trop iraient à l'UNESCO !
En revanche, l'on pourrait voir un SMIC planétaire
Rendre à l'humanité sa dignité sur terre…